Fondée à la fin du VIIIe siècle, la dynastie Idrisside marque l’acte de naissance du premier État musulman marocain indépendant. Descendants du Prophète Muhammad par la lignée de Fatima et Ali, les Idrissides jettent les bases politiques, religieuses et urbaines du Maroc, avec la fondation de Fès comme capitale spirituelle et culturelle.
Un prince alaouite en fuite
En 786, après la sanglante bataille de Fakh près de La Mecque, Idris Ibn Abdallah, arrière-petit-fils de l’imam Hassan, prend la fuite vers le Maghreb pour échapper aux Abbassides. Il trouve refuge auprès des Awraba, tribu amazighe du nord marocain, qui le reconnaît comme chef et guide spirituel.
En 789, il fonde à Volubilis (Walili) les prémices d’un État islamique indépendant, posant les bases d’un pouvoir arabo-berbère au sein d’une société encore très marquée par les structures tribales et les traditions locales.
Fès, une capitale fondée pour durer
C’est son fils, Idris II, qui en 808 fonde la ville de Fès sur les bords de l’oued du même nom. Grâce à l’arrivée successive de familles andalouses et kairouanaises, Fès devient un carrefour majeur du savoir, de la religion et du commerce. La mosquée Al Quaraouiyine y est édifiée au IXe siècle et deviendra l’une des plus anciennes universités du monde.
La ville est organisée autour de ses mosquées, de ses souks et de ses quartiers ethniques, incarnant la diversité culturelle du Maroc naissant. Fès se consolide rapidement comme pôle spirituel et urbain, un rôle qu’elle conserve encore aujourd’hui.
Un islam modéré enraciné
Les Idrissides introduisent un islam chiite zaïdite, mais très vite, l’adhésion de la population, majoritairement berbère, évolue vers un sunnisme traditionnel malékite, mieux adapté aux réalités locales. Cette transition contribue à l’unité religieuse du Maroc et à l’établissement d’un islam marocain original, tolérant et enraciné.
Leur politique est marquée par la reconnaissance des tribus locales et un respect des structures préislamiques, facilitant ainsi l’intégration de l’islam dans le tissu social.
Un rayonnement limité mais décisif
L’empire idrisside ne couvre jamais l’ensemble du territoire marocain actuel. Il reste principalement concentré au nord, entre Fès, Taza, et Tétouan, avec une influence plus limitée au sud. Toutefois, leur autorité symbolique est immense, car ils incarnent l’origine de la royauté islamique au Maroc.
Le prestige religieux d’Idriss Ier en tant que descendant du Prophète renforce la légitimité du pouvoir, un principe qui survivra dans les dynasties suivantes jusqu’aux Alaouites.
Déclin et postérité
À partir du milieu du IXe siècle, les Idrissides font face à des rivalités internes et à des pressions extérieures, notamment de la part des Fatimides et des Omeyyades d’Espagne. Fès est prise en 927 par les Fatimides, mettant fin à l’indépendance de la dynastie.
Certains descendants idrissides restent influents à Fès ou dans le Rif, intégrant parfois les structures de pouvoir des dynasties suivantes. Le tombeau d’Idriss Ier à Moulay Idriss Zerhoun devient un haut lieu de pèlerinage, toujours vénéré aujourd’hui.
Un héritage fondateur
Plus qu’un empire territorial, les Idrissides représentent l’acte fondateur du Maroc musulman. Leur œuvre religieuse, politique et urbaine a jeté les fondements d’une identité nationale et spirituelle qui perdure. La monarchie marocaine actuelle, chérifienne et alaouite, revendique d’ailleurs sa filiation symbolique avec cette dynastie.
Informations complémentaires
Le site archéologique de Volubilis, la ville sainte de Moulay Idriss Zerhoun, et la médina de Fès sont autant de témoins vivants du legs idrisside. Des ouvrages comme "Les Idrissides, premiers rois du Maroc" (éditions La Croisée) ou les expositions au Musée Dar Batha à Fès permettent de découvrir en profondeur cette dynastie pionnière.